mardi 1 octobre 2013

La meilleure des analyses par Charles Chevillard

Le lion n’est pas (encore) mort ce soir. Ni touché. La 4e journée de la D1 française offrait une affiche alléchante entre le PSG et l’OL. Les filles de Farid Benstiti ont clairement établi leurs ambitions cette année : bousculer l’équipe rhodanienne. Mais devant les caméras de France 4, Louisa Necib et sa bande se sont imposées sèchement face aux Parisiennes (3-0). Une victoire basée sur une seconde mi-temps parfaite.

Une première mi-temps parisienne

Au Stade Charléty, le club de la capitale avait tout vu en grand. Germain Le Lynx se soulignait par sa (noble) présence. Mais c’est surtout le Tifo qui a impressionné. De souvenirs, c’était bien la première fois – dans le football féminin – qu’on assistait à une telle démonstration au niveau des tribunes. Sans compter la présence de différentes associations comme les OL Ang’Elles ou les Galatic Panam, toujours là pour supporter leur club respectif. Sauf qu’un match ne se gagne pas (que) dans les tribunes. Sur le rectangle vert, les coachs avaient mis en place leurs 11 habituels. Côté PSG, Farid Benstiti ne déroge pas à ses habitudes de début de saison avec son fameux 3-5-2. L’idée est belle et bien d’avoir un bloc axial compact en défense avec un 5-3-2. En attaque, le coach de la capitale souhaite utiliser la vitesse de ses deux latérales pour apporter le danger. Avec Kaci comme première relanceuse, mais surtout Dali et Cruz capables d’apporter le danger, il dispose d’un milieu équilibré. À noter également la titularisation du duo Horan-Delie. La seconde devrait servir de pivot avec l’ex-Montpelliéraine qui tourne autour.
Côté lyonnais, il y avait peu de surprises. On ne change pas une équipe qui gagne. Patrice Lair garde donc son fameux 4-2-3-1 voir 4-4-2 par moment. En défense, le duo Kumagai /Renard est toujours au goût du jour. Les deux arrières centrales doivent apprendre à jouer ensemble et éviter les fautes techniques à la relance. Ce qui surprend cette année est bien le placement de Camille Abily. La n° 10 fréquente très souvent l’attaque des rhodaniennes aux côtés de Lotta Schelin. Sur la feuille de match, Louisa Necib est placée sur l’aile gauche. Or, tout au long du match et du jeu lyonnais qui penche vers la droite, l’internationale tricolore va se promener sur le front de l’attaque et surtout entre les lignes. A noter également l’importance du duo Bussaglia – Henry. La 1re s’occupe de construire le jeu. La deuxième est à la récupération et doit gêner l’adversaire. Une recette qui marche.

Les lyonnaises sans options offensives

Sur le plan tactique, le PSG débute parfaitement la rencontre. En défense, le 5-3-2 est de mise. Cette mise en place permet aux latérales – souvent aux avant-postes – de bloquer les ailières adversaires. Ou du moins le couloir droit des Gones. Lors du 1er acte, le jeu penche vers Élodie Thomis et Corine Franco. Très au point défensivement, les Parisiennes n’offrent pas de réelles brèches à son adversaire. Élise Bussaglia est obligée de redescendre très bas sur le rectangle vert pour organiser le jeu. Elle servira – tout au long du match – de plaque de lancement. Mais avec le pressing haut du PSG, les pertes de balles s’accumulent. Les Lyonnaises subissent le jeu et se créent trop peu d’occasions. Les filles de Patrice Lair ne trouvent pas de solutions et doivent donc allonger le jeu. Les Parisiennes sont toujours 2 sur la porteuse de balle. Elles sont gênées par les débordements des joueuses de Farid Benstiti. Elodie Thomis – si présente d’habitude – ne semble pas faire les efforts défensifs nécessaires. En manque de ballons, elle a tendance à décrocher dans l’axe pour toucher le cuir et chercher rapidement Schelin dans la profondeur. Elle laisse un boulevard à Laure Boulleau pour contre attaquer. Pour trouver des solutions, l’attaquante suédoise de l’OL doit décrocher et combiner avec Abily qui cherche en première intention ses ailières et donc la profondeur. Une solution trop peu utilisée.

(image du site Sharkfoot) Elise a une grosse influence. Les deux membres de la défense centrale lyonnaise quadrille bien leur zone en cas de perte de balle (trait jaune). L’ex-Parisienne (rond violet) décroche beaucoup pour organiser le jeu (trait bleu). A noter également la présente de Louisa Necib (rond rouge). Ailière gauche sur la feuille de match, elle se déplacera sur tout le terrain durant la rencontre.
N’oublions pas de souligner les tentatives tactiques des Lyonnaises en 1re période. Trouvant peu de solutions et ayant un bloc trop bas, les Lyonnaises remontent tout ça. Dès la perte de balle, Camile Abily devient ailière. Élodie Thomis se retrouve au niveau de Lotta Schelin. Le milieu lyonnais grimpe d’un cran. L’objectif est clairement de récupérer le ballon vers la ligne médiane et de chercher l’Antillaise dans le dos d’une défense centrale parisienne qui a encore du mal à s’aligner. Une tentative qui ne tiendra que 10 minutes, mais donne des idées pour la suite. Pis, au fil du 1er acte, le bloc lyonnais semble plus compact. Amandine Henry, un poil trop haute au début, revient à la hauteur d’Élise Bussaglia. Il est donc plus facile de sortir la balle avec un relais axial supplémentaire. On notera également les déplacements de Louisa Necib. Véritable électron libre, elle aura gêné l’équipe adversaire par sa capacité à se faufiler entre les lignes. La tricolore se crée même quelques occasions avec des frappes lointaines. De bon augure pour le second acte…

(image du site Sharkfoot) En fin de seconde période, l’organisation de l’OL est meilleure au milieu. Bussaglia et Henry sont proches en phase offensive (trait jaune). Elodie Thomis (rond bleu) décroche et n’hésite pas à allonger le jeu. Pendant ce temps-là, Louisa Necib (Violet) se déplace entre les lignes représentées par les traits rouges

Le PSG sait s’adapter

Il ne faut pas se fourvoyer. Si l’OL n’a pas réussi sa 1re période, c’est aussi à cause de l’équipe de Farid Benstiti. Bousculées par des équipes bien plus inférieures que les Lyonnaises, les joueuses de la capitale ont étonné par leur force collective à défendre et attaquer en bloc. Dès les 1res minutes, la tactique défensive du PSG est mise en valeur. L’idée est de presser haut. Pour ça, Horan et Delie sont les premières à gêner la relance. Le milieu à 3 de la capitale rentre en scène. L’une s’occupe d’Elise Bussaglia et l’autre d’Amandine Henry. C’est chacune leur tour que Shirley Cruz ou Aurélie Kaci presse l’ex-Parisienne. Kenza Dali, ailière avant tout, n’hésite pas à coulisser dans l’axe pour former un vrai trident axial. Notons également que pour éviter le jeu dans la largeur des Lyonnaises, Kenza Dali ou Shirley Cruz offrent leur aide à leurs latérales pour bloquer les couloirs adverses. Elles sont au moins 2 sur la porteuse de balle. Le fameux 3-5-2 oblige les Parisiennes à jouer sans ailières. L’importance des latérales est primordiale, mais pas que. Le rôle de Kenza Dali tout au long du 1er acte est très intéressant.
Dans un premier temps, sur phase défensive, Kenza coulisse dans l’axe. Au préalable, il faut rappeler que la joueuse formée dans le Rhône-Alpes est une pure ailière. Elle utilise sa vitesse et ses dribles pour apporter le danger dans les défenses adverses. Avec ce 3-5-2 (ou 5-3-2 selon les mouvements), elle occupe une place de n° 8. Un peu comme Vincent Bessat lors du match de Ligue 1 entre le FC Nantes et le PSG chez les hommes. Son explosivité lui permet rapidement d’écarter ou d’apporter le danger dans l’axe. Mais quand les Lyonnaises attaquent, elle se met au niveau de Shirley Cruz. Kaci – première rampe de lancement du jeu offensif de la capitale – sort sur Elise Bussaglia. L’idée des filles de Farid Benstiti est de limiter les espaces entre les lignes et forcer l’ogre lyonnais à multiplier les passes latérales sans apporter de la percussion. Shirley Cruz et Kenza Dali quadrillent parfaitement leur zone de jeu avec un marquage de zone. Elles ne sont pas loin de leur pointe axiale pour contre-attaquer. Mais les deux comparses ont également un œil sur Louisa Nécib et Camille Abily qui décrochent pour apporter une solution. Lindsay Horan traine vers le milieu de terrain pour jouer en pivot dès la récupération. Lors d’une contre-attaque, diverses solutions pullulent. Mais surtout les latérales Parisiennes – Laure Boulleau et Jessica Houara – ont un boulevard dans leur couloir pour apporter le danger grâce à leur vitesse.

(image du site Sharkfoot) En première période, l’organisation tactique du PSG pose beaucoup de problèmes à Lyon. On peut déjà remarquer le trident axial du 5-3-2 (traits jaunes). Avec leur placement respectif, Shirley Cruz et Kenza Dali peuvent rapidement coulisser et quadriller leurs zones (flèches rouges). Laure Boulleau (rond bleu) est à sa place. Elle est au marquage d’Elodie Thomis. La parisienne arrivera à canaliser l’antillaise qui ne peut pas prendre la profondeur.
Dans un second temps, l’aspect offensif attire l’attention. Tout au long du 1er acte, Kenza Dali trouvera des solutions pour titiller l’équipe adverse. Quand le danger vient de l’aile gauche, la sudiste coulisse parfaitement dans l’axe. Elle joue en n° 10 derrière le duo Horan et Delie. Mais ce n’est pas la seule solution. Ainsi, Kenza peut se retrouver sur la même ligne que l’Américaine. Elle se transforme donc en véritable attaquante et joue dans une position axiale qui lui réussit bien. Marie-Laure Delie tourne autour de Horan et occupe la place de n° 10 pour soit rentrer dans la surface ou être présente au second ballon. Aurélie Kaci – pointe du fameux trident de l’entrejeu parisien en phase défensive – est bien plus reculée, dans son rôle principal, celui de rampe de lancement. Shirley Cruz est quant à elle proche de Laure Boulleau entre deux lignes. Elle peut ainsi servir de relais. Lorsque le jeu bascule à droite, elle est surtout là pour créer une brèche ou servir de relais à Jessica Houara. Elle a le même rôle que sa comparse costaricaine sur l’aile gauche. Sauf que Kenza n’hésite pas à décrocher pour toucher le ballon et apporter le danger dans le camp adversaire. Ses facilités individuelles permettent à tout son bloc de remonter sans abuser de longs ballons vers Horan ou Marie-Laure Delie.

Kenza Dali, membre du trio au milieu de terrain, bascule dans le trident offensif. Vu que le jeu est à gauche, elle coulisse dans l’axe au niveau de Horan. On a le droit à un vrai trident (traits jaunes). Aurélie Kaci (rond rouge) reste bien à sa place. Laure Boulleau peut déborder (flèche bleue) tandis que Shirley Cruz (trait rouge) est là pour servir de relais.

Laetitia Tonazzi, facteur X

Lors d’une interview dans le Libéro Lyon, Patrice Lair a souligné sa capacité à rebondir tactiquement en cas de bouillon. Le coach rhodanien est un homme qui assume ses paroles. Lors du 1er acte, Élodie Thomis ne trouve pas sa place et n’arrive pas à développer son jeu. Conséquence ? Dès la reprise, elle sort pour faire entrer Laëtitia Tonazzi. Si le bloc parisien veut pousser les Lyonnaises à poser le jeu et passer par des actions placées, les filles du président Aulas savent le faire. L’ex-Juvisienne prend la place d’ailière droite. Elle fait plus d’efforts défensifs, mais surtout apportent une touche offensive complètement différente que sa comparse. Capable de jouer dans l’axe, elle se sert de son ossature pour garder le cuir afin de combiner. Mais Tonazzi est également capable d’accélérer le jeu par ses bons déplacements. L’équipe lyonnaise est transcendée. Le bloc – trop bas en première période – monte d’un cran. Le pressing se veut constant et Amandine Henry ratisse de nombreux ballons. L’OL a enfin trouvé son équilibre entre un jeu court et long.
Tout au long de la 1re période, Patrice Lair a plus établir les faiblesses de la défense adverse. Les 3 Parisiennes de l’arrière-garde sont trop statiques. En manque de repères, elles se marchent dessus et sont friables dès qu’une Lyonnaise ose prendre la profondeur. De plus, lors de second acte, Louisa Nécib continue à se balader entre les lignes. Elle apporte un danger constant, obligeant soit une défenseuse centrale à sortir ou une milieu de la prendre à la culotte. Une tache bien difficile. La rentrée de Tonazzi apporte un vrai plus. Schelin peut se permettre de décrocher afin de combiner avec l’internationale tricolore. Le 1er but de la rencontre est l’exemple de cette relation quasi parfaite et instinctive entre les deux joueuses ci-dessous.
Sur l’image 1, Amandine Henry a le ballon. Elle est prise par deux joueuses parisiennes (ronds jaunes). Elle cherche un soutien (flèche rouge) en l’occurrence Franco. Pendant ce temps-là, Laëtita Tonazzi est bien placée entre les lignes (trait bleu). Sa comparse, Lotta Schelin, est prise au marquage (rond rouge). Sur l’image 2, Franco reçoit le cuir. Cruz vient la presser (flèche verte). Les deux filles sur Amandine Henry (ronds jaunes) laissent Tonazzi seule. Toujours seule sur l’image 3, l’ex-Juvisienne attend tranquillement le cuir dans la défense adversaire. Schelin est toujours prise au marquage mais sent le coup. Sur le côté, Abily et Necib (traits verts) attendent. Sur l’image 4, tout s’emballe. Tonazzi va recevoir le ballon. Elle est toujours seule et ses adversaires forment un trident pour quadriller sa zone de jeu (traits jaunes). Schelin, intelligente, se démarque pour appeler le ballon (flèche bleue). Abily et Necib se préparent à couper le futur centre. Sur l’image 5, la remplaçante délivre un caviar pour Schelin qui a pris le meilleur sur Delannoy (rond rouge / flèche bleue). Tonazzi profite des espaces laissés par la défense adverse et le marquage en zone. Sur la 6, Tonazzi se place derrière Schelin au cas où. L’arrière parisienne ne peut plus suivre (rond rouge). La Suédoise tire au second poteau, le ballon est dégagé vers Louisa Necib qui conclut.
Le PSG ne trouve pas de solutions et ne fait que reculer. La suite du second acte n’est qu’une confirmation. L’OL a la main mise sur le ballon et enchaîne les actions de grande classe. Farid Benstiti ne trouve pas les solutions pour répondre à l’éclatante mi-temps des filles de Patrice Lair. Les Gones utilisent à merveille leurs qualités techniques. Schelin – absente lors du 1er acte – refait surface comme par magie. Elles enchaînent les appels dans la profondeur ou les décrochages. Elle met la pression sur la défense parisienne dont le doute est flagrant. Dans les petits espaces, Tonazzi fait un vrai malheur et enchaîne les bons choix. Tout semble plus facile. La véritable preuve de cette domination sans partage est exprimée dans les 10 dernières minutes. Alors que le PSG est mené, les filles de la capitale se retrouvent en 5-4-1 ! Le bloc est trop bas et n’arrive plus à ressortir. Nous pouvons observer un milieu en losange avec comme seule pointe Marie-Laure Delie. Une bataille tactique remportée avec facilité par Patrice Lair. Le club de la capitale devra apprendre de cette rencontre. Il ne faut pas jouer qu’une seule mi-temps.

Le fameux 5-4-1. La défense est en place (traits jaunes). Le milieu en losange aussi (traits rouges)
http://www.sharkfoot.fr/2013/09/d1-feminine-lol-toujours-n1-dans-les-bacs/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire