A la une du quotidien L'Equipe le jour de la demi-finale de la Coupe du Monde 2011
Son sélectionneur, Bruno Bini, la dépeint comme «une artiste, qui a su enfiler le bleu de chauffe». Louisa Nécib, 25 ans, meneuse de jeu des Bleues, qui joue la médaille de bronze cet après-midi contre le Canada, cultive depuis toujours ce goût pour la mue et les paradoxes. A la fin des années 90, cette fille d’immigrés algériens partage son temps libre entre la gymnastique et le football, dans les quartiers nord de Marseille, où nombre de «minots» se souviennent avoir été victimes des petits ponts de la jeune Louisa, sous les rires moqueurs des copains. «On jouait sur des petits terrains ou dans la rue, pour le plaisir, se souvient-elle d’une voix fluette, mâtinée d’un accent méridional inaltéré. J'étais la seule fille du groupe. Si je n’avais pas su dribbler, les garçons ne m’auraient jamais accepté. J’ai beaucoup appris techniquement, mais je ne savais pas que le foot féminin existait.» Un club se monte alors dans le XIVe arrondissement. Première mutation, à 14 ans : «J’ai rangé mon justaucorps et ma tenue à paillettes pour enfiler un short et acheter mes premiers crampons… Un choc !»
Son ascension sera fulgurante : repérée en sélection Méditerranée par le directeur technique régional de l'époque, un certain Bruno Bini, elle rejoint le centre de préformation de Clairefontaine puis signe à Montpellier, où elle est appelée à 18 ans pour la première fois chez les Bleues. Depuis 2007, elle garnit copieusement son palmarès sous les couleurs de l’Olympique lyonnais, double champion d’Europe.
Lorsqu’il observa Louisa Nécib pour la première fois, c’est à Jean Tigana que Bruno Bini fera référence pour décrire le jeu de l’adolescente. Mais les médias lui trouveront aisément un autre modèle. Numéro 10 d’origine algérienne au caractère réservé, Louisa devient la «Ziza », une Zizou conjuguée au féminin. «C'était extrêmement flatteur, évacue-t-elle. Zidane, c’est lui qui m’a fait aimer le football, mais il est unique.»
«Il était compliqué de ne pas établir cette comparaison», jauge, pour sa part, Sonia Bompastor, sa capitaine à Lyon qui l’a également côtoyée à Montpellier et en sélection. Elle s’explique : «Louisa est la joueuse la plus technique avec qui j’ai évolué. Elle a une très grande facilité pour éliminer l’adversaire dans les tout petits périmètres » Sauf que la droitière, jugée un peu frêle au début de sa carrière, souffre encore lorsque l’intensité physique des rencontres s'élève. «C'était son point faible mais elle a su se faire violence », évalue son entraîneur à l’OL, Patrice Lair, qui rejoint la métaphore initiale de Bruno Bini.
Sa coéquipière bleue Sonia Bompastor, qui aime à baptiser Nécib«baguette», «pour ses jambes très fines», nuance : «Face aux équipes très athlétiques, qui ne laissent pas beaucoup d’espace, Louisa a encore un peu de mal à s’exprimer.» Verdict que la principale intéressée balaie : «Il y a des filles qui sont faites pour ça, d’autres moins.»Bompastor cible une dernière marge de progression chez sa coéquipière : «Elle doit parfois lâcher le ballon plus vite, être plus efficace. Mais on est quand même bien content, lorsqu’on est en difficulté, quand elle arrive à conserver la balle très haut sur le terrain.»
Ces imperfections peuvent néanmoins expliquer les prestations parfois irrégulières de Nécib lors de rencontres au sommet, comme aux Jeux. Intervient alors une nouvelle mue de la meneuse, capable de troquer le charme de ses yeux de biche en regard noir, très noir, lorsqu’elle est amenée à quitter la pelouse prématurément, sur choix de l’entraîneur. Presque aussi obscur, son lien avec les médias, où sa distance peut parfois interpeller. «On pourrait croire que c’est de l’arrogance, mais pas du tout, précise Bompastor. Elle met pas mal de temps à faire confiance ou à se livrer avec les personnes qu’elle ne connaît pas. Elle impose des barrières, mais ce n’est que de la timidité.» Dans le groupe, ses coéquipières confirment que l’artiste fuyante se transforme rapidement en coéquipière attachante. Patrice Lair pondère : «Louisa est encore très réservée. Elle doit réussir à se lâcher un peu plus.» Les retombées médiatiques d’une médaille de bronze pourraient l’y obliger.
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