Chansonnier, adepte de bons mots et auteur d’un "projet de vie", sorte de petit livre rouge de son équipe, l’atypique sélectionneur Bruno Bini, 57 ans, s’est taillé une jolie réputation pendant la Coupe du monde féminine, qui a vu les Bleues (4e) gagner un ticket pour les JO de Londres. Malgré les succès de son équipe, le personnage est loin de faire l’unanimité.
Tiens, revoilà Doly!
À quelques heures de disputer la troisième place de la Coupe du monde à Cologne (Allemagne), les joueuses de Bruno Bini se voient remettre un document: "Ce qu’il faut faire pour gagner la médaille de bronze." Il est siglé Doly&Partners. Jean-Pierre Doly est tout sauf un inconnu auprès des sélections. Proche de Domenech, il l’avait assisté dans la préparation à la Coupe du monde 2006. Déclaré persona non grata par la fédération (FFF) après l’Euro 2008, le conseiller de l’ombre avait continué à orchestrer la vie des Bleus jusqu’en Afrique du Sud, où il les suivait partout, l’accréditation d’un autre membre de la délégation autour du cou.
Les joueurs se souviennent encore de ses aphorismes indigents ou des fiches Wikipédia à potasser. Il était surtout l’inventeur du slogan "23 hommes en colère", visionnaire, juste avant les insultes de Nicolas Anelka à l’encontre de Domenech et la grève du bus à suivre. Un an plus tard, après que l’ancien président de la FFF, Fernand Duchaussoy, a refusé de le rencontrer comme il lui demandait, le revoici qui glisse un pied dans une équipe de France. Malgré ses conseils, les Bleues ont perdu le match qui leur aurait offert le podium.
L’ombre de Domenech
Bini aime faire appel à des regards extérieurs. Doly anime des réunions d’entraîneurs au chômage pour l’Unecatef, le syndicat des entraîneurs, dont Bini est le secrétaire général et Domenech le trésorier. Un vrai réseau. Le patron des Bleues vient d’intégrer à son staff quatre éléments, dont un manager, Pierre Repellini, vice-président de l’Unecatef et pilier du système Domenech, pour le moins opaque entre 2006 et 2010.
Bini est un admirateur de Domenech. "Il sait que je l’adore", avait-il glissé à ses ouailles un jour de rencontre entre les sélections masculine et féminine. Il se voit rebelle, original, créatif comme son ami. S’entoure des mêmes personnes. Avant la Coupe du monde, lors d’un stage à Calais, tout comme Domenech à Tignes un an plus tôt, il fait appel au conseiller en communication Jean- Louis Morin, pour une séance - gratuite - de média-training. Pas de trace de Doly non plus dans la comptabilité de la FFF en 2011. "Je suis très surpris d’apprendre qu’il ait pu se rapprocher des Féminines. Ça me paraît tellement énorme!", réagit le viceprésident, Bernard Desumer. C’était un service entre amis, selon Bini.
Un lutin très politique
De son mentor, le sélectionneur a hérité aussi du sens politique. Il a lié ses intérêts à la seule femme de la liste de Noël Le Graët aux élections pour la présidence de la FFF: l’ancienne internationale Brigitte Henriques, dite "Féminator" en raison de son engagement pour le football féminin. Son ascension au poste de secrétaire générale de la fédération, conjuguée à l’élan de sympathie né de la Coupe du monde, confèrent à Bini une nouvelle dimension politique. Lui qui a gravi un à un les échelons fédéraux y voit la validation de sa méthode.
Le 13 septembre, présentant son bilan de la Coupe du monde devant la DTN, il met en scène "Lutintamarre" et "Lutinspiré": le premier lui souffle à l’oreille les messages négatifs, l’autre les positifs. Il séduit une partie de l’assemblée. Pour d’autres, il renforce le sentiment de sa propre imposture. Il avait déjà utilisé le symbolisme avec les deux nains de Blanche-Neige, Grincheux et Joyeux. "Forcément, ça peut lasser", confie un entraîneur national, partagé. "Je lui ai répété : ne surjoue pas! On peut devenir la caricature de ce qu’on est", confirme le communicant Jean-Louis Morin. Peu importe à Noël Le Graët. Il a compris le bénéfice à tirer d’une sélection qui gagne et séduit. Le nouveau président de la FFF l’a placée sous son contrôle direct.
Pas une tête qui dépasse
Un journal livré aux joueuses chaque matin, la chanson du coach à entonner ensemble… Le projet de vie, concept pour le moins flou, est au centre du discours de Bini. Sur le jeu, rien. Il s’appuie aveuglément sur deux leaders, Gaëtane Thiney et Sandrine Soubeyrand, qui évoluent à Juvisy, vieux bastion du football féminin. Avec elles, il choisit de se priver de joueuses (Bouhaddi, Henry, Tonazzi) qui, pour les connaisseurs, donneraient une autre dimension à l’équipe de France. Notamment les deux premières, éléments clés de l’OL, champion d’Europe en titre, dont l’entraîneur Patrice Lair avait dénoncé vertement le travail de Bini. Lui-même est allergique au professionnalisme lyonnais. Il refuse de répondre aux exclues qui sollicitent une explication.
Il s’est aussi longtemps opposé à la diffusion d’un documentaire de Direct 8 sur son équipe (En Bleu comme eux): le temps de parole de Camille Abily, expatriée aux États-Unis, était trop important à ses yeux. Il supportait mal l’éloignement d’Abily et de Sonia Bompastor. Cela nuisait à son projet de vie. Avant une rencontre face à Israël, il y a trois semaines, une discussion houleuse l’a opposé à une poignée de joueuses, saturées de la vacuité de son discours. Elles sont rentrées dans le rang, par peur d’être ostracisées. «Ça commence à mal se passer », confirme une joueuse, qui ne veut pas être nommée.
"Une sorte de secte"
"La méthode de Bruno Bini, gros travailleur mais très autoritaire, fonctionne avec des joueuses soumises. Elle a pu être utile à court terme, mais est néfaste à long terme", décrypte Anne-Christel Fogliani, ex-présidente de la commission de féminisation à la FFF, spécialiste en préparation mentale, qui avait aidé Bini à présenter sa candidature au poste, en 2007. "On peut parler d’un gourou. Il a mis en place une sorte de secte, dont celles qui ont un esprit critique sont exclues, ou alors font semblant et deviennent les manipulatrices du manipulateur." Un silence. "À terme, il faut voir comment les joueuses
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