Matteo Portoghese est un expert du football féminin italien. Cagliaritain, il est responsable de la rubrique football féminin sur MondoPallone. Il nous a offert de son temps pour nous parler des chances de l’Italie à l’Euro 2013 et du niveau du football féminin italien, sur une pente descendante depuis maintenant quelques années.
Le tirage au sort du groupe A du premier tour du prochain championnat d’Europe féminin a placé l’Italie dans le groupe de la Suède, le Danemark et la Finlande. Pensez-vous que la qualification est jouable ?
Les deux premiers de chacun des trois groupes ainsi que les deux meilleurs troisièmes participeront aux quarts de finale. La Suède est clairement une grande nation. Elle possède de clubs en quart de finale de la Women’s Champions League ainsi que plusieurs footballeuses faisant partie des meilleurs championnats du monde. Mais l’Italie a fait une grande campagne de qualification. Les Azzure pourront s’appuyer sur leur base de joueuses issues de Torres, Vérone, Brescia et Tavagnacoo. Spontanément, je ne dirais pas que l’Italie est favorite, certes. Mais je pense que nous avons nos chances.
L’image de l’équipe italienne est toujours liée au Catenaccio. Pourtant, Prandelli en prenant les commandes de la Nazionale a révolutionné cela en pratiquant un football attractif. La situation est-elle la même chez les féminines ?
Pour le football masculin, Prandelli a fait des choses énormes. Il a rajeuni l’effectif et changé le style de jeu. Avec Ghedin et Cabrini, les filles s’orientent vers cette idée. L’équipe nationale a la même vision du jeu que les meilleurs clubs du pays, c’est-à-dire jouer un football basé sur la passe et surtout divertissant pour le public.
Pedro Munitis, ancien international et joueur du Real, est le coach d’un club espagnol. Est-il possible de voir la même chose ici ? Des passerelles existent-elles entre le football féminin et masculin italien ?
Cela existe déjà ici ! L’entraineur national est Antonio Cabrini, vainqueur de la Coupe du Monde en 1982 et l’un des plus grands joueurs de l’histoire. Dans les clubs, le phénomène est aussi présent. Massimo Agostini, ancien joueur du Milan, Parme ou encore Naples, est le coach de Romagne en Série A féminine. En ce qui concerne les possibles ponts entre le football masculin et italien, les choses sont complexes. Nous ne sommes pas dans le même processus que la France et l’Angleterre avec l’OL ou Arsenal, deux équipes rattachées à la section masculine. Le problème est toujours le même, la professionnalisation du football féminin italien.
Le Sassari Torres domine depuis quelques années la D1 italienne. Pour quelles raisons ? Meilleures joueuses ? Moyens financiers supérieurs ?
Torres est une grande équipe comme en témoigne son parcours en LDC, atteignant ainsi les quarts de finale. En fait, la Série A ressemble un peu à la France. Elle est scindée en deux : le big Four (Torres, Tavagnacco, Brescia et Vérone) puis les autres. Il y a un écart important entre ces équipes que ce soit sur le plan des infrastructures, la qualité du personnel ou même les joueuses.
Comparée aux autres, Torres a vraiment une continuité dans son groupe. Le club a également des dirigeants vraiment passionnés inculpant la soif de vaincre aux joueuses. Même dans la ville, le sport est au top. Le club masculin revient petit à petit (1er en Série D) et le basket-ball est en haut de l’affiche. Néanmoins, la Coupe d’Europe reste une vraie interrogation déterminant si Torres a le niveau européen. Le match sera difficile contre Arsenal qui a un bel effectif, mais les rouges et bleues aussi !
Nous connaissons que très peu la Série A féminine. Comment s’articule-t-elle ?
La Série A est composée de 16 équipes. « Un peu trop » diront certains. En effet, l’écart est vraiment important entre les équipes de têtes et celles du bas. C’est vraiment rare que les favoris laissent des points chez les relégables. En plus du combat passionnant pour le titre (cette année entre Torres et Tavagnacco), une bataille pour la deuxième fait également rage avec au bout une qualification pour la Women’ s Champions League. À propos des règles, elles évoluent. 4 équipes sont reléguées en deuxième division : deux directement et les deux autres après des matchs aller-retour. La Série B est quant à elle divisée en quatre groupes. Les quatre « champions » montent au niveau supérieur.
Comment voyez-vous, de votre point de vue, le parcours des Azzure depuis le dernier Euro ?
Perdre contre les USA, pour les éliminatoires de la Coupe du Monde 2011, n’étaitt pas honteux je trouve. Certes, le football féminin en Italie ne décolle pas dans sa globalité, mais l’équipe nationale essaye de s’améliorer. La qualification pour l’Euro 2013 a été parfaite, sans défaites ! Nous sommes conscients que les adversaires en face n’étaient pas les plus réputées, mais les choses peuvent changer. Si le championnat s’améliorait, l’Italie obtiendrait sûrement des meilleurs résultats lors des grands évènements internationaux.
Quel sera le visage de l’équipe à l’Euro ? Un mélange ? Une équipe jeune ? Une joueuse à surveiller ?
Le coach, Antonio Cabrini, suit les performances des joueuses du championnat semaine après semaine. Comme en France, les écarts sont importants en Série A. Donc finalement, les joueuses sont presque tout le temps les meilleures joueuses des clubs importants italiens. Torres, Tavagnacoo, Brescia et Vérone représentent à eux seuls la quasi-totalité des filles sélectionnées, tout comme la France avec l’OL, le PSG, Montpellier ou encore Juvisy.
Le staff organise plusieurs stages à Coverciano (siège de la fédération) qui permettent au groupe de resserrer les liens et d’être évalué. Au sein de cette équipe, il faudra surveiller de près une jeune joueuse (1992), Michela Franco, qui joue à Naples. Or les « sénatrices » ne sont pas en reste. Patrizia Panico est toujours présente et aussi précise. Une vraie buteuse.
Quelle est l’image du football féminin en Italie connaissant le cliché du côté « macho » des hommes méditerranéens en règle générale ?
Vu que la ligue a encore un statut amateur, cela peut parfois justifier l’image du football féminin dans le pays. Par exemple, je vis en Sardaigne, Sassari, et peu de gens savent que leur équipe (Torres) est championne à plusieurs reprises. Mais il existe quelques villes où les filles peuvent jouer dans un environnement sain, simple et agréable. La croissance existe et le changement est notable. Par exemple, sur le site pour lequel j’écris (MondoPallone.it), les gens découvrent le football féminin et sont heureux. Il faut avoir de la patience. Le plus souvent, les filles préfèrent s’orienter vers un autre sport.
Quels sont vos pronostics pour l’Euro de cet été (en Suède) ?
Je pense que l’Euro sera fort intéressant. La Suède peut clairement tirer avantage que la compétition se déroule à domicile, mais aussi compter sur la bonne forme de ses meilleurs clubs. L’Allemagne et l’Angleterre auront aussi leur mot à dire avec un niveau toujours élevé pour les deux nations. La France a également beaucoup grandi, à commencer par leurs jeunes joueuses. Ce sont les équipes favorites pour ma part, tandis que l’Italie se situe juste après. Certes, la Nazionale n’est pas en pole position, mais ne doit pas être sous-estimée. Nous pourrons porter des jugements après les matchs amicaux du printemps.
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